1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

République tchèque : Le «vrai underground» à Prague

Alexis Rosenzweig (Septembre 2007)

Le quartier de Zizkov à Prague est réputé pour sa vie nocturne. Dans les années 1950, le régime communiste y a fait installer des abris anti-atomiques. Aujourd’hui, les Pragois préfèrent les transformer en discothèques.

https://p.dw.com/p/C2pA
Claustrophobes s'abstenir...
Claustrophobes s'abstenir...Image : DW/Alexis Rosenzweig

Notre série Terra Incognita nous emmène cette semaine à Prague, la capitale de la République tchèque, et plus précisément dans le quartier de Zizkov, réputé pour ses bars et boîtes de nuit où la bière coule à flots. Un quartier où, dans les années 1950, le régime communiste avait fait creuser des kilomètres de tunnels et installer des abris anti-atomiques en perspective d’une troisième guerre mondiale. Aujourd’hui, les jeunes Pragois veulent utiliser ces immenses surfaces sous-terraines pour s’y retrouver et surtout faire la fête.

Descente dans l’underground pragois avec Alexis Rosenzweig.

Pas facile à trouver

L'entrée du bunker-discothèque, pas toujours facile à repérer la nuit...
L'entrée du bunker-discothèque, pas toujours facile à repérer la nuit...Image : DW/Alexis Rosenzweig

« Ici c’est plutôt underground, ouais c’est underground et les gens viennent ici pour s’éclater » : DJ Sayuz est fier d’être derrière les platines ce soir, dans l’un des nouveaux endroits en vogue de Prague. Il assurera l’animation de la deuxième partie de la soirée.

L’endroit n’est pas évident à trouver. Une petite porte dans un imposant mur de béton, une flêche avec l’inscription « Amigo », difficile à repérer une fois la nuit tombée. On ne vient pas par hasard faire la fête dans l’abri anti-atomique de Parukarka, il faut venir avec des initiés. Avant de descendre dans les entrailles en béton de la colline, on passe par une porte coupe-feu impressionnante, et déjà on se dit que l’endroit s’annonce peu banal.

Mur d’escalade, soirée poésie

Double escalier en colimaçon, la descente prend quelques minutes. Note pour plus tard : ne pas abuser de breuvages alcoolisés en bas, pour pouvoir remonter... Première surprise : au milieu de ces escaliers en béton, c’est un mur d’escalade pour varapeurs en herbe qui est en train d’être installé. Et puis plusieurs marches plus bas, on commence à entendre quelques bruits. Aujourd’hui, le début de soirée est consacré à des lectures de poèmes et au concert d’une pianiste originaire du Sri-Lanka...

Normes européennes et issue de secours

L'abri anti-atomique Parukara, construit en 1955. Depuis janvier 2007, une discothèque s'y est installée.
L'abri anti-atomique Parukara, construit en 1955. Depuis janvier 2007, une discothèque s'y est installée.Image : DW/Alexis Rosenzweig

L'abri anti-atomique de Parukarka a été construit en 1955 et c'est un véritable dédale creusé sous le parc du même nom, dans le 3e arrondissement de Prague. La partie ouverte depuis le mois de janvier au public pour expos, soirées et concerts ne représente qu'un sixième de cette immense surface.

Michal Tesinsky, alias Mikky, est à l'origine du projet. Il explique que plus de trois ans de démarches administratives ont été nécessaires pour mener à bien ce projet : « Le plus difficile a été d'obtenir le permis de construire. Parce que, faire en sorte que cet espace soit conforme aux normes de l'Union européenne, c'était une vraie galère, ç’aurait été plus facile de tout détruire et de reconstruire ! Après, ça m'a pris encore un an pour avoir l'accord des pompiers, en cas d'incendie. J'ai loué d'autres bunkers à l'arrière pour faire en sorte qu'il y ait une issue de secours. C'était le principal problème. »

Vider les lieux en moins de 48h

Le loyer payé par Mikky à la mairie de Prague est assez symbolique, environ 500 euros par mois, mais les locataires sont priés de quitter les lieux rapidement, en cas de besoin : « Dans le contrat de location, explique Mikky, il est précisé que sous 48 heures nous devons rendre l’endroit dans l’état où on l’a trouvé. Mais j’ai écrit à l’administration pour leur dire qu’en cas de guerre ce serait mieux d’avoir un endroit comme ça, convivial, plutôt que seulement du béton... Je n’ai pas encore de réponse mais j’ai demandé à ce qu’ils fassent une exception à la règle. »

Féru d'escalade, Mikky a donc aussi installé un mur de 18 mètres le long des escaliers qui descendent dans le bunker. Plus loin un bar, un flipper et un baby-foot font ressembler l'endroit à un bistrot normal, mais sans fenêtre. Claustrophobes s'abstenir donc. Deux salles avec deux scènes différentes peuvent accueillir environ 250 personnes en tout.

Pas de plaintes des voisins

Sans voisins pour se plaindre du bruit, la fête peut se prolonger tard dans la nuit.
Sans voisins pour se plaindre du bruit, la fête peut se prolonger tard dans la nuit.Image : DW/Alexis Rosenzweig

Et pour Jarda Svejc, l'ingénieur du son, le bunker Parukarka a un avantage indéniable sur les autres clubs de la ville : l'isolation des murs : « A Prague, il y a un problème en ce moment avec les heures d'ouverture. De nombreux clubs doivent arrêter les concerts à 22h à cause des plaintes des voisins. Ici, dans le bunker ce n'est pas un problème, on peut faire tout le bruit qu'on veut toute la nuit ! L'inconvénient : c'est petit et profond sous terre, mais en même temps c'est aussi cela qui est intéressant. »

Et Sayuz, le DJ du soir, confirme : plein de gens viennent juste pour voir, et surtout quand l’entrée est gratuite. De toute façon le prix de l’entrée est toujours symbolique.

Soirées caritatives et mariages

Les locaux sont volontiers prêtés à des ONG. Amnesty International a déjà organisé ici une soirée au profit du Myanmar. Des couples ont aussi choisi l’abri anti-atomique de Parukarka pour célébrer leur mariage.

C'est grâce à la discothèque que beaucoup ont découvert l'existence de l'abri anti-atomique.
C'est grâce à la discothèque que beaucoup ont découvert l'existence de l'abri anti-atomique.Image : DW/Alexis Rosenzweig

Le lieu commence à attirer du monde et les étrangers, résidents ou de passage à Prague, sont curieux de voir à quoi tout ça ressemble. C’est le cas de Thierry, un Canadien qui déguste sa bière au coin du bar : « Ça me plaît, j’habite à côté, je suis venu voir et je vais revenir pour montrer à mes amis ! Je ne connaissais pas l’endroit, je connaissais le bar en haut sur la colline mais je ne savais pas qu’il y avait des abris en-dessous. Je trouve que c’est une bonne idée de faire des concerts ici. Je n’ai pas peur pour la sécurité, je m’en fous. Je suis un peu claustrophobe, mais pour le moment ça va. »

Et si, vous aussi, avez tendance à la claustrophobie, il est toujours possible de remonter de temps en temps à l’air libre. En haut, vous ne serez jamais seul, il y aura toujours quelques personnes venues passer des coups de téléphone. Et oui, parce que l’un des inconvénients d’un abri anti-atomique, c’est le réseau de portables qui ne passe pas !