1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Roumanie : les monastères de Moldavie

Kerstin Schweighöfer (Juin 2007)

Pendant des siècles, les monastères de Moldavie ont pour seule fonction de protéger et de faire rempart. Aujourd'hui, ce sont de véritables lieux de pélerinage. Ils suscitent même des vocations...

https://p.dw.com/p/C2pK
Devenus le symbole de l'identité roumaine et de la chrétienté orthodoxe, les monastères de Moldavie.
Devenus le symbole de l'identité roumaine et de la chrétienté orthodoxe, les monastères de Moldavie.Image : Barbara Gruber

Un reportage de Jutta Schwengsbier.

Entre Empire romain chrétien et Ottomans musulmans, le combat visant à imposer sa religion et à avoir le pouvoir économique a duré des siècles. D'abord, c'est la capitale chrétienne qui a été prise, l'ancienne Constantinople et actuelle Istanbul. Puis l'armée ottomane a conquis les territoires limitrophes de l'ancien empire romain et soumis une grande partie de l’Europe de l’Est. Une domination qui a duré plus de 500 ans, jusqu’à la première Guerre Mondiale.

Dans la région de la Moldavie, en Roumanie, des monastères chrétiens orthodoxes témoignent de ces combats passés. Le monastère de Moldovitsa a ainsi été construit au XVIe siècle pour, entre autres, servir de rempart contre le conquérant ottoman. Aujourd'hui, celui-ci est une référence, surtout pour les Roumains pratiquants.

Le monastère de Moldavitsa

Les fresques extérieures du monastère de Moldovitsa racontent la Bible en images.
Les fresques extérieures du monastère de Moldovitsa racontent la Bible en images.Image : Barbara Gruber

Nous sommes à 300 bons kilomètres à l'est du centre industriel de Baia Mare. Dans la vallée, on aperçoit une imposante bâtisse : c’est le monastère de Moldavitsa, la foi drapée dans des habits de forteresse. Dans la cour intérieure, la façade de l'église est entièrement recouverte d'histoires peintes. Elles font état d'une culture disparue et témoignent du combat de l'Occident chrétien contre l'Empire ottoman.

Comme lors de la fondation de l’église en 1532, les nonnes font aujourd’hui encore un long chemin de ronde pendant les heures de prière. Une jeune nonne martèle le rythme extatique sur du bois : le signal qu’une messe secrète va avoir lieu, en souvenir du temps où être chrétien représentait encore un danger.

Profondément recueillies, des nonnes vêtues de noir se hâtent d'aller prier. Elles semblent étrangères à toute chose terrestre. Des fidèles venus des villages environnants et de plus loin encore tentent de saisir leurs mains pour les embrasser. Les nonnes ne se laissent pas retenir longtemps par ces gestes d'humilité et continuent leur procession sans lever les yeux. Celui qui n'a pas été assez rapide pour toucher la main d'une nonne de ses lèvres trouvera dans l'église du monastère consolation et bénédiction.

La Bible en images

La façade de l'église est entièrement recouverte d'histoires peintes.
La façade de l'église est entièrement recouverte d'histoires peintes.Image : Barbara Gruber

Cela fait maintenant plus de 50 ans que Soeur Maika Jopraxia Lex vit dans ce cloître. Elle vend des icônes dans un petit kiosque. Depuis l’effondrement du bloc soviétique en 1989, il vient certes moins de touristes, explique-t-elle. En revanche ils montrent plus de piété et sont plus croyants. Les fresques extérieures des églises ont fait des monastères moldaves un véritable lieu de pèlerinage chrétien, comme l'explique Soeur Maika : "Les fresques illustrent des passages de la Bible. En Moldavie, il y a cinq monastères de ce style. Tous sont peints à l'extérieur, et tous se complètent. Toutes les images, mises bout à bout retracent toute l'histoire de la Bible, racontent les Saintes Ecritures en couleur".

De nombreuses fresques extérieures ont été détruites.
De nombreuses fresques extérieures ont été détruites.Image : Barbara Gruber

L'idée des peintures extérieures n'a pas survécu longtemps à la domination turque. Seuls cinq monastères de Moldavie ont conservé intactes leurs fresques. Ce qui explique qu’ils aient été classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Depuis toujours, ces monastères moldaves sont bien plus que des refuges de la foi chrétienne. Pour les Roumains orthodoxes, ils sont aujourd'hui le berceau de leur identité nationale. C'est ici que reposerait l'âme roumaine, selon Ioan et Georgeta Chelaru, deux touristes roumains.

Vers une réhabilitation des monastères moldaves ?

Depuis des siècles, les nonnes vivent à Moldovitsa selon des règles strictes. Le matin, leur journée commence à 6 heures par de très longues prières. Puis les nonnes vont travailler aux champs. Avant, les monastères de Roumanie étaient très riches, possédaient beaucoup de terres, des ateliers, et des moulins pour moudre le grain. Sous la dictature socialiste, les monastères ont été en grande partie dépossédés de leurs biens. Aujourd'hui, les 10 hectares de terre qui leur ont été laissés suffisent juste à couvrir les besoins des 30 nonnes.

La vie monacale recommence à attirer les jeunes.
La vie monacale recommence à attirer les jeunes.Image : Barbara Gruber

Avec la chute du dictateur Ceaucescu en 1989, beaucoup de choses ont aussi changé pour les églises roumaines. Chacun peut, de nouveau, revendiquer ouvertement sa foi. Signe de cette foi nouvelle: on voit se dresser dans tout le pays des églises flambant neuves. Pourtant, de tous les monastères moldaves, seuls deux sont animés par une vie religieuse. Mais l'Eglise orthodoxe roumaine envisage de rendre habitables les monastères moldaves en les réhabilitant. Parce qu’aujourd'hui, de jeunes Roumains veulent aussi entrer au monastère, comme Sora Aspasia, 24 ans, qui a lu pendant sa scolarité un livre sur les actions de Dieu et a su qu'elle devait entrer au monastère.

Le soir, Sora Aspasia la jeune nonne, martèle de nouveau le rythme extatique. Le dos courbé, en signe d'humilité, elle donne le signal de la prière. Les nonnes de Moldavitsa n’ont pas de soucis à se faire quant à leur relève. Car malgré les règles strictes du monastère, une vie religieuse semble de nouveau attirer les jeunes.