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Macédoine : Mariage à la macédonienne

Helen Seeney (Août 2007)

Cette semaine, Terra Incognita nous emmène en voyage dans le village de Galichnik, au Nord-Ouest de la Macédoine. Deserté, il reprend vie chaque année lors d'une cérémonie de mariage. Helen Seeney était aussi de la noce.

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Le couple choisi cette année pour avoir l'honneur de se marier à Galichnik.
Le couple choisi cette année pour avoir l'honneur de se marier à Galichnik.Image : Helen Seeney
Chaque année, c´est dans le village désert de Galichnik en Macédoine que se déroulent les festivités.
Chaque année, c'est dans le village désert de Galichnik en Macédoine que se déroulent les festivités.Image : Helen Seeney

Quelques maisons accrochées au flanc d’une montagne - un payage austère et grandiose à la fois. En hiver, le village est coupé du reste du monde par la neige et la glace. Mais ce n’est pas là un grand problème pour la population de Galichnik – parce qu’une seule personne y habite. Galichnik ne compte en effet qu’un seul habitant permanent, une femme d’environ soixante-dix ans. Au fil des décennies, les autres villageois ont déménagé pour des raisons économiques. Mais tous les ans, le temps d’un week-end de juillet, ils reprennent tous le chemin de Galichnik... en compagnie de centaines de curieux, pour assister à un mariage.

Ce samedi-là, la chaleur a été écrasante. Heureusement, les festivités ne commencent qu’en début de soirée. La foule des badauds s’est rassemblée le long de la route étroite et sinueuse qui traverse Galichnik, en Macédoine. Seuls les lève-tôt ont pu trouver place dans l’amphithéâtre historique du village. Vers 19h, l’attente se termine. Le Grand Mariage de Galichnik est sur le point de commencer. Mais ne vous attendez pas à voir les fiancés convoler tout de suite en justes noces. Les festivités vont se prolonger tout le week-end, selon des traditions séculaires.

Mariages en série à la Saint-Pierre

Des milliers de curieux se rendent chaque année à Galichnik pour assister à ce mariage hors du commun.
Des milliers de curieux se rendent chaque année à Galichnik pour assister à ce mariage hors du commun.Image : Helen Seeney

Soudain, trois coups de feu résonnent. Ils proviennent d’une maison voisine. D’après le programme officiel, c’est le domicile du fiancé. Lui et ses compagnons ont hissé au balcon le drapeau macédonien, décoré de fleurs. Bizarrement, il semble qu’aucun des futurs mariés n’ait de lien avec Galichnik. Mieux encore : s’ ils sont venus se marier ici, c’est qu’ils ont remporté un concours national. Et la tradition dans tout ça ?

Pour comprendre les origines du festival, il faut remonter au début du XXème siècle. A l’époque, Galichnik comptait quelque 5000 habitants, des bergers pour la plupart. Le village, renommé pour ses traditions, s’ennorgueillit aussi d’avoir vu grandir quelques Macédoniens célèbres. Mais par la suite, Galichnik est devenu synonyme d’émigration économique. Les jeunes hommes du village ont dû partir chercher du travail à l’étranger, jusqu’aux Etats-Unis pour certains. Bien sûr, de temps à autre, ils venaient rendre visite à leur famille et à leurs amis. Et voilà comment est née l’idée de se fixer un rendez-vous commun à Galichnik une fois par an... Et pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour se marier ? Alors depuis, tous les ans à la Saint-Pierre, on vient ici nouer les liens sacrés du mariage. En 1936, 40 couples se sont mariés le même jour à Galichnik !

Une robe de mariée de 22 kg

Même si certaines règles ont changées, les traditions sont respectées à la lettre.
Même si certaines règles ont changées, les traditions sont respectées à la lettre.Image : Helen Seeney

Au musée du village, Veselin Mihajlovski présente fièrement les pièces collectionnées au fil des mariages et des années : « Cette pièce est consacrée au mariage à Galichnik. Ici, vous pouvez voir une femme portant la robe de mariée traditionnelle. C’est le style le plus riche de Macédoine, entièrement brodé à la main. Elle pèse 22 kilos à elle seule. Une femme portait sa robe de mariée deux fois : la première, pour ses noces, la seconde, pour son enterrement.»

Veselin Mihajlovski est certes fier de Galichnik, mais il n’y habite que l’été. Seule une vieille femme y vit toute l’année. C’est la même chose pour Kosto Graorkoski, architecte de son état, qui a aidé pendant 44 ans à organiser les festivités du Grand mariage : « Je trouve ça triste que le village ne soit pas peuplé toute l’année. Mais nous travaillons sur plusieurs projets qui ont pour but de faire revivre Galichnik. Nous espérons en particulier qu’en 2008, le Grand mariage de Galichnik sera reconnu par l’UNESCO et placé sous sa protection.»

Mais que vient faire un concours dans tout cela ? Eh bien, il y a 8 ans, les organisateurs ont décidé de donner à tous les couples de Macédoine une chance de se marier ici. Tout le monde peut participer. La seule condition est d’être déjà mariés civilement. Cette année, six couples se sont inscrits. C’est à la plus belle fiancée que reviendra le privilège de se marier à Galichnik.

Mariage traditionnel au son du topan et de la zurla

Un groupe de musiciens accompagne toujours le couple nuptial.
Un groupe de musiciens accompagne toujours le couple nuptial.Image : Helen Seeney

Mais c’est bien la seule concession que Galichnik a fait à la modernité. Pour le reste, les traditions sont scrupuleusement respectées. Ainsi, on rase le futur marié en face de la fontaine, symbole de sa séparation d’avec ses parents. Une bride de cheval est placée au cou de la mariée en guise de test d’obéissance. Le couple nuptial est accompagné par un groupe de musiciens.

Ceux-ci jouent de deux instruments bien particuliers, comme l’explique le guide, Dimitar Gjorgjievski : « Il s’agit d’un tambour traditionnel, appelé tapan ou topan, et de la zurla – deux instruments originaires d’Inde. Certains pensent que c’est Alexandre le Grand qui les a rapportés de ses conquêtes. Mais selon d’autres sources, ce seraient les tsiganes, arrivés ici avec les Turcs, qui les auraient introduits ici. »

L'art difficile du Teshkoto

Environ 200 personnes participent au mariage. Des danseurs aussi sont de la fête. Parmi eux, un groupe d’hommes danse le Teshkoto, une danse née à Galichnik pour saluer les habitants du village qui partaient à l’étranger. Le Teshkoto symbolise la fierté macédonienne et les difficultés surmontées. Elle est considérée comme l’une des danses traditonnelles les plus difficiles qui soit.

Dimanche matin, le Grand Mariage touche à sa conclusion logique. A l’intérieur de l’église, les futurs mariés échangent leurs voeux. L’atmosphère est tout sauf intime. Le couple nuptial est entouré par les caméras, les gardes-du-corps d’un VIP de passage et une foule d’étrangers venus de tous les horizons. Il n’est pas ordinaire pour des jeunes mariés de donner une conférence de presse aussitôt la bague au doigt.

Malgré tout, Vesna Dimitrovska et Marian Bladgevski affirment avoir adoré leur mariage : « C’était un peu fatigant, mais c’est un honneur de se marier ici. C’est un sentiment extraordinaire.

- J’ai beaucoup aimé les rituels autour de l’échange des anneaux et quand nous étions à cheval. »

Les nouveaux mariés seraient aussi heureux de savoir que le plus beau jour de leur vie a aussi été très apprécié par tous ceux qui y ont assisté sans pour autant y avoir été invités : « Une expérience exceptionnelle. Merveilleuse et spectaculaire. Je n’aurais raté ça pour rien au monde.

- J’ai beaucoup admiré la beauté des gens, la splendeur de leurs vêtements et le fait que ces traditions soient toujours vivantes dans les Balkans. Et Galichnik est vraiment magnifique : la nature, le paysage, les gens, tout! »

Et voilà, le Mariage de Galichnik est terminé pour cette année. La fête terminée, les touristes rentrent chez eux, et les habitants de Galichnik retrouvent la paix de leur village. Jusqu’à ce qu’eux aussi, ils rentrent chez eux, à Skopje ou ailleurs. A la fin de l’été, il ne restera plus qu’une seule personne dans le village. Une petite femme ridée - l’unique habitante de Galichnik.