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Lettonie : le "live ", une langue pour réveiller les oiseaux.

Christiane Wolters (Août 2007)

L'Europe regorge de langues menacées d'extinction. La Lettonie abrite l’une de ces langues en sursis : le live. Aujourd’hui, il n’y aurait plus que 140 Lettons dont le passeport porte encore la mention « live ».

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Les sms en "live", un phénomène très tendance à Riga...
Les sms en "live", un phénomène très tendance à Riga...Image : transit-Archiv

Le nombre de locuteurs de langue maternelle live serait compris entre 5 et 10. La plus jeune d’entre eux serait née en 1926. Christiane Wolters est allée pour nous recueillir le chant du cygne de cette langue sur le déclin...

Entre héritages mythologiques et dure réalité

Une langue menacée d'extinction... Certes, mais les chorales et les chants lives subsistent, et témoignent des traditions lives de jadis. Comme l'explique Zoja Silje, les Lives vont à la mer, plantent un sapin dans le sable, puis le décorent. Car selon la mythologie live, les oiseaux ne migrent pas en hiver. Ils restent en Lettonie et se cachent pour hiberner. Voilà pourquoi il subsiste aujourd'hui des chants lives, chantés à Pâques pour réveiller les oiseaux.

Selon la tradition, le live sert à réveiller les oiseaux au printemps.
Selon la tradition, le live sert à réveiller les oiseaux au printemps.Image : picture-alliance/ dpa

Zoja Silje est lettone. Mais elle est aussi live. Dans son coeur et dans son sang. Il y a des siècles, les Lives s’installèrent sur le territoire de l’actuelle Lettonie. Et surtout le long des côtes, car les Lives ont toujours été un peuple de pêcheurs.

Mais au fil des siècles, la population live n’a cessé de diminuer. Les Lives se sont mêlés aux Lettons ou ont dû abandonner leurs villages à la suite de guerres ou d’épidémies. Mais c’est aussi leur langue qu’ils ont peu à peu abandonnée. Aujourd’hui, le live n‘est plus parlé que dans quelques familles.

L'apprentissage comme transmission d'un patrimoine en voie d'extinction

Le live est la langue maternelle du grand-père de Zoja Silje. Cette dernière a elle-même commencé, dans les années 70, à apprendre la langue de ses ancêtres. Depuis, elle fait partie d’une chorale live. Aujourd’hui, Zoja Silje est elle-même professeur de live. Elle vient de publier un manuel destiné à tous ceux qui souhaitent apprendre cette langue.

A la différence du letton et du lituanien, le live ne fait pas partie des langues baltes, mais appartient - comme l’estonien, le finnois et le hongrois - au groupe des langues finno-ougriennes. Le letton et le live sont donc deux langues bien différentes, et certaines des 45 lettres de l’alphabet live sont bien difficiles à prononcer pour les Lettons.

Vers une renaissance du live ?

Néanmoins, depuis quelques années, la langue live connaît une sorte de petite renaissance. On voit même de jeunes Lettons qui se mettent à apprendre le live, par effet de mode, et même à s’envoyer des sms en live. Comme Linda, Davis, Beate, Katrina et Alma. Ils font partie d’un groupe de jeunes lives qui se rencontrent régulièrement à Riga. Ils n’ont pas tous le même niveau en live. Certains l’apprennent depuis quelques mois seulement, d’autres le parlaient enfants avec leurs grands-parents.

Beate, 17 ans, a commencé il y a deux ans à apprendre le live, plutôt qu’une autre langue vivante qui lui serait beaucoup plus utile. Mais Beate fait fi de cet argument. En apprenant le live, elle pourra le transmettre à ses enfants. Une façon de "sauver" cette langue d’une mort depuis longtemps annoncée.

Au delà d'une langue, un combat identitaire

Il en va aussi d’une identité. C’est du moins l’avis de Valts Ernstreits, personnage incontournable en Lettonie pour quiconque s’intéresse au live. Pour sa thèse sur le live, il a fait des recherches en Estonie et en Lituanie. Il travaille actuellement à la conception d’un site Internet en langue live. Ce n’est pas sans fierté que Beate explique que ses amis ont parfois du mal à comprendre tout ce bruit autour de l’identité live. Etre Live représente visiblement quelque chose de bien particulier pour ces jeunes. Une identité qui leur permet de se définir, mais aussi de se mettre à part.

De temps en temps, le groupe de jeunes organise des excursions à Mazirbe, sur la côte lettone, où se trouve une maison de la culture live. Ou encore des colonies de vacances, où ils peuvent discuter et chanter en live. Depuis quelques années, le gouvernement letton soutient financièrement ces activités dans le cadre du programme : «Lives en Lettonie ».

Le live, une langue morte?

Selon le chercheur Valts Ernstreits, il est désormais trop tard pour sauver la langue live.

Pour lui, le live est déjà mort et il ne voit plus aucune chance de le sauver. Pour maintenir une langue vivante, il faut une forte motivation, mais ça ne suffit pas. Il faut aussi se servir de cette langue. Or, le live n‘a plus de locuteurs de langue maternelle.

Zoja Silje est d’un autre avis. Elle est convaincue que le live, la langue de ses ancêtres, survivra d’une façon ou d’une autre. Selon elle, 150 ans aupraravant, on lui prédisait déjà la mort de la langue live. Et pourtant, aujourd’hui, elle n’a toujours pas disparu...