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Réactions de l'Union européenne au drame de l'immigration

Philippe Pognan24 avril 2015

Après les derniers drame de l'immigration en Mer Méditerranée, l'Union européenne pense à organiser des actions militaires contre les passeurs au large des côtes libyennes

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EU Sondergipfel Renzi & Merkel & Hollande & Cameron
Le Premier ministre italien Matteo Renzi, la Chancelière allemande Angela Merkel, le Président Francais Francois Hollande et le Premier ministre britannique David Cameron (de g.à dr.)à Bruxelles juste avant le sommet sur l'immigrationImage : Emmanuel Dunand/AFP/Getty Images

Lors d'un sommet extraordinaire jeudi à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont promis de "lutter contre les trafiquants". Ils se sont engagés à "démanteler les réseaux de trafiquants, traduire les responsables en justice et saisir leurs biens", mais aussi à "entreprendre des efforts systématiques en vue d'identifier, de capturer et de détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées", notamment en Libye.

Menschenschmugglerbanden
En Australie, les autorités détruisent régulièrement les navires de passeursImage : picture-alliance/dpa

Sous le titre „La guerre contre les passeurs“, la taz, die tageszeitung de Berlin constate : les chefs d'Etat de l'Union européenne ont un nouvel ennemi : le passeur. Le plan en dix points discuté à Bruxelles qui prévoit avant tout des réactions militaires est inacceptable. Et il ne fonctionnera pas : dans une zone maritime de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés au large de la Libye, un État failli, il est illusoire de vouloir trouver les navires qui appartiennent aux passeurs. Il est un mythe de croire que de telles opérations à la Frontex soulagent la misère et la détresse des réfugiés : les gens continueront de fuir tant qu'ils n'auront pas d'autre chance pour leur avenir. Des visas humanitaires et des ferrys qui ouvriraient des voies légales d'immigration vers l'Union européenne seraient un investissement bien plus sensé que des missions militaires.En fait, estime la taz, l'Union européenne ne s'intéresse qu'en apparence au passeur. Son véritable ennemi reste le réfugié. Et parler là de sauvetage est pour le moins cynique. Car, conclut l'éditorialiste, les réfugiés ne meurent pas à cause des passeurs – mais à cause de la politique de verrouillage de plus en plus militarisée de l'Union européenne ! "

Libyen Auffanglager Kararim bei Misrata
Camp de regroupement de réfugiés subsahariens en Libye près de MisrataImage : DW/M. Dumas

Des centres d'asile sur le continent africain

Une autre idée de l'Union européenne est celle de créer des centres d'asile sur le continent africain dans des pays arabes et subsahariens…Cela permettrait d'examiner sur place les demandes d'asile et d'accorder des visas à ceux qui fuient la guerre et les persécutions politiques. Ils pourraient alors venir légalement en Europe sans risquer leur vie, rapporte le quotidien Der Tagesspiegel. La Commission européenne réfléchit à un projet pilote au Niger où vivent des dizaines de milliers de réfugiés du Nigeria voisin qui ont fui les extrêmes violences perpétrés par les milices islamistes de Boko Haram.

Nigeria Entführungen durch Boko Haram in Chibok
Au Nigeria , le désespoir d'un père dont la fille de 17 ans a été enlevée par le groupe islamiste Boko HaramImage : DW/A. Kriesch

Bruxelles pense à une coopération avec le HCR, le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, qui s'occupe depuis longtemps déjà au Niger comme dans d'autres régions de crise de la prise en charge et de l'enregistrement des réfugiés. Après un premier examen de leur dossier dans un tel camp, ceux qui auraient une chance d'obtenir l'asile pourraient alors être transférés vers l'Europe. Tous les autres recevraient une aide pour rentrer dans leur pays d'origine ou pour s'installer dans un autre Etat du continent africain.

Symbolbild - Flüchtlingsboot Mittelmeer
Abandonnés en haute merImage : Italienische Marine/dpa

Des obstacles dans le droit d'asile européen restent toutefois à surmonter: les ayant-droit potentiels devraient être répartis selon des quotas justes dans tous les Etats de l'UE. Et l'UE devrait fixer clairement des critères communs pour l'accord du droit d'asile comme pour le rejet d'une demande et les procédures d'expulsion. Ce n'est pas pour demain, estime le journal.

Italien Flüchtlinge in Lampedusa
Réfugiés débarqués à Lampedusa en Italie et qui attendant leur enregistrement dans le centre d'accueilImage : Reuters/A. Bianchi

Mais face aux nombreuses crises et guerres de l'autre côté de la Méditerranée, ce ne sont plus seulement des dizaines de milliers, mais des millions qui pourraient avoir le droit d'asile. Selon le HCR, la moitié des réfugiés qui traversent la Méditerranée clandestinement auraient de bonnes raisons d'obtenir le droit d'asile. Chaque programme d'accueil européen arriverait vite à ses limites, conclut Der Tagespiegel.

Une grande partie de l'Afrique souffre du manque d'emplois

C'est là aussi l'une des raisons pour lesquelles de nombreux Africains quittent leur pays d'origine.

Les emplois attirent les migrants. En Afrique, comme ailleurs dans le monde. Comparé au nombre total des migrants en Afrique, ceux qui tentent de traverser la Méditerranée ne représentent que 2 à 3%, relève la Frankfurter Allgemeine Zeitung. La majorité des migrants en Afrique tentent leur chance sur le continent: en Afrique du Sud, en Angola, au Mozambique, au Gabon, en Guinée Equatoriale et en Côte d'Ivoire.

Certains de ces pays (l‘Angola, le Gabon et la Guinée Equatoriale) doivent leur forte croissance à de gros gisements pétroliers. D'autres comme l'Afrique du Sud et la Côte d'Ivoire disposent déjà d'une large base industrielle qui attire les immigrants. Les immigrés en Côte d'Ivoire viennent surtout des pays francophones voisins, comme le Sénégal, le Togo, le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. Le taux de croissance économique dans ces pays comporte pas moins de 5% par an en moyenne, mais cela ne suffit pas à combattre efficacement la pauvreté. Le Bénin en est un exemple. Le pays est politiquement stable et a un taux de croissance de 5,5% par an. Ce qui n'empêche pas 300.000 Béninois de quitter leur pays chaque année ! Comme le taux de croissance démographique au Bénin est de 3% , le taux de croissance économique devrait largement dépasser les 6% pour permettre à toutes les couches de la population de profiter de la nouvelle prospérité.

Straßenszene in Abidjan, Elfenbeinküste
Une ville prospère: Abidjan, Côte d'IvoireImage : AFP/Getty Images/I. Sanogo

De son côté la Côte d'Ivoire a eu un taux de croissance remarquable avec 8,5% , tandis que la croissance de la population ivoirienne a stagné à 1,8%. Des conditions idéales donc souligne la FAZ – oui- si n'arrivaient pas autant de migrants dans le pays à la recherche d'un travail. On ne dispose pas de chiffres exacts, mais diverses estimations suggèrent que près de 40% de la population du pays ne sont pas des Ivoiriens. Ce qui fait de la Côte d'Ivoire le pays ayant le plus grand nombre d‘étrangers au monde ! Cela augmente considérablement la pression sur le marché du travail. Et c'est pourquoi, conclut la FAZ, des ressortissants ivoiriens se trouvent souvent à bord des rafiots de passeurs en route vers l'Europe alors que leur pays est considéré comme prospère.

Le journal remarque par ailleurs que ceux qui en Afrique disposent d'une bonne formation n'ont pas de mal à trouver un emploi, mais que l'éducation et la formation professionnelle sont des domaines souvent trop délaissés même dans des pays avec de bonnes perspectives économiques…