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Le Rwanda toujours meurtri

Marie-Ange Pioerron4 avril 2014

A l'approche du 20ème anniversaire du génocide rwandais, les journaux allemands commencent à célébrer l'événement par des articles sur ce pays des mille collines qui a tant souffert.

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Mémorial de Gisozi, à Kigali
Mémorial de Gisozi, à KigaliImage : picture-alliance/dpa

La Berliner Zeitung consacre un article au sujet, sous un titre qui n'est guère rassurant: "La peur que tout recommence". Ce qui s'est passé il y a 20 ans, écrit le journal, ne fut pas une guerre civile mais un génocide planifié. Les milices hutu avaient des listes de noms et d'adresses des Tutsi. Dans les mois précédents, des centaines de milliers de machettes avaient été importées de Chine. Les assassinats furent rendus possibles par la politique de l'ancienne puissance coloniale belge qui en 1933 avait officiellement classé la population en ethnies et délivré des cartes d'identité correspondantes. Ceux qui en 1994 ne pouvaient présenter aux barrages une carte d'identité portant l'inscription "hutu" étaient tués. 20 ans plus tard,poursuit le journal, le Rwanda se présente comme un pays modèle. Il est d'une propreté exemplaire, la croissance économique atteint depuis des années les 8%. La corruption est sévèrement combattue. Mais les Rwandais paient chèrement ces succès. Les manifestations sont interdites, l'opposition est réprimée, les médias critiques sont baillonnés. Et surtout, souligne le journal, le fossé entre les groupes de population reste profond. Comme le souligne une étudiante de Kigali citée dans l'article: "On n'épouse pas quelqu'un d'une autre ethnie. Cela n'est pas dit ouvertement". Ou cette jeune femme, elle même hutu, qui dit connaître suffisamment de Hutu affirmant qu'il faudra bien achever un jour ou l'autre ce qui a été commencé il y a 20 ans.

Sur un marché de Ouagadougou, Burkina Faso
Sur un marché de Ouagadougou, Burkina FasoImage : DW/P. Hille

Des APE qui coincent

Autre sujet d'intérêt cette semaine pour la presse allemande: le sommet Union européenne-Afrique qui vient de se tenir pendant deux jours à Bruxelles. Les journaux s'intéressent surtout au volet commercial. Comme le relève le quotidien Die Welt, l'Union européenne n'est pas seulement le principal partenaire de développement de l'Afrique, c'est aussi son principal partenaire commercial. - même si la Chine fait à cet égard des pas de géant. Angela Merkel et son délégué à l'Afrique Günter Nooke plaident entre temps pour l'accroissement des investissements en Afrique afin de contrer l'influence chinoise. Günther Nooke, note le journal, se sera rendu compte que les Africains sont devenus eux aussi critiques à l'égard des investisseurs chinois et misent davantage sur la qualité européenne que sur la production bon marché chinoise. Depuis des années, poursuit le journal, des négociations sur des accords de partenariat économique sont menées avec les pays ACP (Afrique Caraibes Pacifique) qui figurent parmi les plus pauvres du monde. Ces accords faciliteraient les exportations européennes vers un marché africain de plus en plus attrayant. S'ils ne sont pas signés d'ici octobre, l'UE menace de taxer les importations en provenance des pays ACP.

C'est ce que la Süddeutsche Zeitung appelle "l'arrogance européenne" . S'il existait un marché mondial libre pour les tomates, le lait en poudre ou les volailles, les agriculteurs africains, écrit le journal, pourraient au moins soutenir la concurrence avec les producteurs du Nord. Mais le marché mondial n'est pas libre, l'Union européenne y veille. En offrant des subventions à ses paysans elle leur permet de vendre à des prix imbattables, parfois même en dessous des coûts de production. La plupart des gouvernements africains ont jusqu'à présent riposté en imposant des droits de douane. Mais l'UE veut aussi briser ce barrage. C'est le coeur des négociations sur les APE, les accords donc de partenariat économique.

Gerd Müller dans un centre de recherche agricole au Mali, 27.03.14
Gerd Müller dans un centre de recherche agricole au Mali, 27.03.14Image : DW
Evolution des exportations agricoles allemandes entre 2000 et 2008
Evolution des exportations agricoles allemandes entre 2000 et 2008

Priorité à l'agriculture en Afrique

Gerd Müller, le ministre allemand de la Coopération, était présent dans la délégation allemande au sommet de Bruxelles. Un quotidien lui consacre un long article, plutôt flatteur. La Berliner Zeitung le surnomme "le ministre de la paix". Quand il a été nommé à la Coopération, rappelle le journal, beaucoup d'organisations humanitaires se sont indignées. Au ministère de l'agriculture, où il travaillait auparavant, Gerd Müller avait fait précisément ce qui, dans la politique de développement, est jugé problématique: comme délégué du gouvernement à la promotion des exportations agricoles Gerd Müller a oeuvré pendant des années à l'accroissement des ventes de viande, de lait et d'autres produits agricoles à l'étranger. Plus d'exportations occidentales signifie plus de concurrence pour les producteurs des pays en développement, qui ne peuvent rivaliser avec les prix subventionnés de l'Union européenne. Mais poursuit le journal, le nouveau ministre sait créer la surprise: son message aujourd'hui est que la libéralisation du commerce mondial va trop loin, et qu'il faut renforcer le respect des normes sociales et écologiques. Concernant plus spécialement l'Afrique, Gerd Müller, note encore la Berliner Zeitung, veut clairement mettre l'accent sur l'agriculture. Par exemple en créant, avec l'aide du secteur agro-alimentaire allemand, des centres de formation agricole. Et il sait aussi ce qu'il ne veut pas, à savoir pas de nouvelles interventions militaires allemandes en Afrique. A cela deux explications: sa crainte d'un dépassement des capacités de la Bundeswehr et... une bonne dose d'antipathie pour la ministre de la défense Ursula von der Leyen.

Collaborateur de MSF en Guinée
Collaborateur de MSF en GuinéeImage : MSF

Ebola... pas de panique, dit l'OMS

Enfin la fièvre Ebola continue de semer l'inquiétude, pour ne pas dire la panique, en Afrique de l'ouest. die tageszeitung relève que la propagation du virus en Guinée pénalise aussi l'économie de ce pays misérable: la société minière étrangère VBG, un consortium israélo-brésilien qui exploite la bauxite, a renvoyé ses travailleurs chez eux, et évacué son personnel étranger. Le Liberia, la Sierra Leone et le Sénégal ont fermé leurs frontières avec la Guinée, bien que la mesure n'ait pas été préconisée par l'OMS. La Berliner Zeitung note justement que l'Organisation mondiale de la santé met en garde contre toute panique et juge l'épicentre de la maladie relativement contrôlable. Médecins sans frontières, ajoute le journal, conteste cette appréciation de la situation et parle au contraire d'une épidémie de fièvre Ebola sans précédent.