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La prison, propice à la radicalisation

16 janvier 2015

Les auteurs des tueries de Charlie Hebdo et du supermarché casher en France se sont radicalisés en prison. Un phénomène qui concerne aussi l'Allemagne, où la justice commence à juger de jeunes jihadistes.

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Image : picture-alliance/dpa

En décembre, un jeune Allemand de retour de Syrie a été condamné à quatre ans de prison pour appartenance à la milice terroriste "Etat islamique". Devant le tribunal, Kreshnik B. n'a pas renié ses convictions radicales. Aujourd'hui, il représente une menace pour ses co-détenus. Selon le politologue Thomas Mücke, les jeunes délinquants sont en effet une cible idéale pour l'embrigadement idéologique :

"Il y a toujours un danger de radicalisation car ces jeunes ont été mis en prison suite à un échec dans leur parcours. Et ils sont particulièrement sensibles à un modèle d'explication simpliste du type: "Tu es en prison parce que tu n'es pas accepté dans cette société, parce que les musulmans sont poursuivis dans le monde entier". On peut expliquer aussi ce danger par le fait qu'à cause de leur échec, les jeunes ont toujours eu l'espoir d'appartenir à un groupe et d'être du côté de ceux qu'ils considèrent comme les gagnants."

Thomas Mücke milite pour la prévention en prison
Thomas Mücke milite pour la prévention en prisonImage : VPN/Klages

Un terreau propice à l'embrigadement

Le phénomène de la radicalisation en prison n'est pas nouveau. Selon le criminologue Joachim Kersten, c'est même un endroit classique où les criminels de droit commun peuvent étendre leur réseau. Il dresse un parallèle entre l'embrigadement islamiste et celui d'extrême-droite :

"C'est aussi le cas avec des criminels néonazis, aussi bien aux Etats-Unis que dans le milieu de l'extrême-droite chez nous. C'est ce que l'on a observé dans les nouveaux Länder après la réunification: des cellules se sont constituées où ce genre de pensée était approfondi."

Soutien aux "frères" en prison

Avec la montée du salafisme, le phénomène a pris une ampleur nouvelle. Les islamistes sont bien organisés pour apporter leur "soutien" aux détenus et à leurs familles. La page Facebook "Ansarul Aseer" compte par exemple 3.500 fans. On y trouve des appels au don ou à l'écriture de lettres aux jeunes en prison. L'objectif : entretenir le contact avec les "frères" emprisonnés, qui peuvent à leur tour diffuser la propagande salafiste. Husamuddin Meyer, un imam converti, fait de l'accompagnement en prison depuis six ans. Son constat est sans appel :

Husamuddin Meyer
Husamuddin Meyer, imam en prisonImage : privat

"On ne peut pas totalement isoler ceux qui ont été embrigadés. Ils ont toujours des occasions de discuter avec d'autres détenus. Et quand un jeune embrigadé en rencontre d'autres qui sont pleins de haine et de colère, il trouve assez vite des adhérents. Cela se propage rapidement. Et pour un qui rentre, il en ressort six ou sept à la fin."

Selon les estimations, environ 600 jeunes Allemands auraient rallié Daech. Autant de multiplicateurs potentiels pour les idées extrémistes. Le politologue Thomas Mücke, par ailleurs fondateur et président du réseau "Violence Prevention Network", réclame des actions préventives dans les prisons, y compris par des représentants musulmans, afin que les jeunes détenus en manque de repères n'entendent pas parler de l'islam pour la première fois par des extrémistes.