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Irlande : Gola, la renaissance d'une île fantôme

Helen Seeney (Septembre 2007)

Cette semaine, nous vous emmenons sur l'île de Gola, en Irlande. L’île était déserte pendant 30 ans. Mais il semble que le vent soit en train de tourner – peu à peu, les insulaires exilés retouvent le chemin de Gola...

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"Bienvenue à Gola".
"Bienvenue à Gola".Image : Helen Seeney

Cette semaine, nous vous emmenons dans le Comté de Donegal en Irlande – au nord-ouest de l’Europe. Ses paysages intacts et ses falaises vertigineuses, ses côtes déchiquetées et ses plages sauvages sont depuis longtemps une destination prisée des vacanciers, Irlandais ou non. L’isolement de la région pendant des siècles a contribué au développement d’une culture bien particulière. Mais cet isolement a aussi été synonyme de misère, de déclin économique et d’émigration.

L'île de Gola, au large de l'Irlande.
L'île de Gola, au large de l'Irlande.Image : AP GraphicsBank/DW

A quelques encâblures de la côte se trouve l’île de Gola. L’île a été abandonnée par ses derniers habitants il y a 30 de cela. Depuis, Gola avait quelque chose d’une île fantôme. Jusqu'à ce que quelques habitants décident de revenir y vivre...

Gola, île fantôme

La traversée en bateau qui mène à Gola n’est pas bien longue. On aperçoit déjà de loin des plages isolées et des criques rocheuses, bordées de collines ondulantes et de lande – une palette de tons verts et bruns d’une incroyable diversité. On se croirait face à un paradis inviolé, habité seulement par les oiseaux et les animaux sauvages.

Pourtant, alors que le bateau approche du petit embarcadère, Gola prend un air quelque peu fantômatique. Des maisons abandonnées parsèment le paysage, les vitres cassées, ouvertes aux quatre vents. Leurs murs craquelés sont encore debout, désormais privés de toit. Un regard plus attentif au paysage négligé et l’on y reconnaît les traces de ce qui fût autrefois un jardin, un champ ou une tourbière.

Mais ces traces sont encore relativement récentes, tout comme les raisons qui ont conduit à l’abandon de Gola. Charlie Roarty raconte : "Il y avait une cabane ici, et le soir, les pêcheurs se réunissaient ici pour raconter des histoires. C’était leur façon de passer la nuit et j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir y assister enfant. La plupart des enfants n’y étaient pas autorisés, parce que c’était plutôt une affaire d’adultes. Mais mon père me prenait avec lui ; c’est un souvenir extraordinaire pour moi."

Les conséquences de la crise économique

La misère économique a forcé les derniers habitants de l'île à tout laisser derrière eux.
La misère économique a forcé les derniers habitants de l'île à tout laisser derrière eux.Image : Helen Seeney

Charlie Roarty se souvient de sa jeunesse, quand Gola abritait une communauté étroitement unie et qui travaillait dur. Des siècles durant, raconte-t-il, quelques centaines de personnes ont vécu péniblement sur l’île, se nourrissant du produit de la pêche et d’une agriculture sommaire. Mais dans les années 50, l’île n’a pas pu soutenir la concurrence économique offerte par le continent. Une à une, les familles ont fait leurs bagages, chargés leurs bateaux et ont quitté l’île. La fermeture de l’école au milieu des années 60 marque le début de la fin. Vers 1980, Gola est déserte, une île fantôme. Eddie McGee, 54 ans, se souvient de son départ avec sa famille en 1967.

Mais Eddie est aussi l’un de ceux qui sont revenus pour tenter de faire revivre l’île : "Oui, c’est la maison dans laquelle je suis né. J’ai vécu ici jusqu’à mes 13 ans. J’allais à l’école ici jusqu’au jour où nous avons quitté l’île. Puis je suis revenu et j’ai réparé la maison. C’est notre maison de famille maintenant et nous passons plus de temps ici que sur le continent."

Une seconde vie pour l'île de Gola

Eddie explique que la plupart des maisons en ruine appartiennent toujours à leurs anciens propriétaires. Il est fier que ceux-ci soient de plus en plus nombreux à restaurer la demeure de leurs ancêtres et à revenir vivre sur l’île – du moins quelques mois par an. Depuis deux ans, la tendance est en hausse. L’arrivée de l’électricité sur Gola y est sans doute pour quelque chose.

Mais les autochtones n’ont pas été les premiers à comprendre qu’il valait la peine de faire revivre l’île. Kristin Hannesdottir en est la preuve vivante : "Ils avaient l’habitude de peindre leurs maisons avec les restes de peinture de leurs bateaux. Et ces bateaux sont peints de couleurs vives magnifiques. Alors vous entrez dans une maison, vous voyez du rouge vif, et au-dessus du bleu turquoise. C’était splendide, comme dans les îles grecques. C’était tout simplement superbe. Et tout cela s’est perdu."

Intérieur d'une maison de Gola restaurée.
Intérieur d'une maison de Gola restaurée.Image : Helen Seeney

Kristin Hannesdottir est architecte, elle est née en Islande. Elle et son mari irlandais, architecte lui aussi, ont découvert Gola dans les années 60, pendant des vacances. Ils ont racheté une petite maison à une femme qui voulait quitter l’île et ont passé des années à la restaurer pour lui redonner son aspect originel.

Son mari, Nicholas Groves-Raines, décrit l’état de la maison à leur arrivée : "Quand nous l’avons achetée, elle était complètement meublée, mais personne n’y vivait plus depuis des années. La seule façon d’y entrer – la porte était bloquée – c’était par la fenêtre. Et à l’intérieur, le sol s’effondrait littéralement sous votre poids. Il était vermoulu parce que personne n’y avait fait de feu depuis des années. Le feu est nécessaire pour que le bois reste sec."

Aujourd’hui, le couple vit confortablement, la maison au charme désuet permet de se faire une idée de ce à quoi devait ressembler Gola avant l’exode. Elle surmonte un port naturel pittoresque où l’activité augmente avec le retour des anciens habitants de l’île.

Pour Kristin, Gola est idyllique, mais les autochtones auront-ils à coeur de restaurer fidèlement le passé ? " Ici, cela reste l’endroit le plus beau. C’est sûrement parce qu’il faut sortir quand on veut aller aux toilettes. Et aussi parce que jusque récemment, nous n’avions pas l’électricité, mais des lampes à huile. C’est vraiment merveilleux. Mais c’est aussi très triste de voir des maisons comme celle-ci et que l’on modernise. Les gens veulent qu’elles ressemblent aux maisons sur le continent. Il n’y a aucune raison pour cela."

L'habitat traditionnel de Gola menacé : ici, une cheminée extérieure.
L'habitat traditionnel de Gola menacé : ici, une cheminée extérieure.Image : Helen Seeney

Et c’est peut-être là la menace à laquelle sera confrontée Gola au XXIème siècle : que la renaissance de l’île se fasse au prix de son habitat traditionnel. Certains de ses nouveaux habitants emploient des matériaux non-traditionnels, comme du ciment, pour réparer leurs maisons. D’autres abandonnent complètement leurs anciennes demeures pour en construire de nouvelles. Au risque que la modernité finisse par l’emporter et que le caractère unique de l’île et son héritage soient perdu à jamais.