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Grèce : Apollon réinvestit son lieu culte

Angélique Kourounis (Août 2007)

Joyeux illuminés par la lumière du dieu solaire Apollon, inquiétants adorateurs d'un paganisme antique ou concurrents de l'Eglise orthodoxe grecque : qui sont exactement les nouveaux adorateurs d'Apollon ?

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Temple d'Apollon, près d'Athènes. Les adorateurs du dieu solaire lui rendent hommage lors du solstice d'été.
Temple d'Apollon, près d'Athènes. Les adorateurs du dieu solaire lui rendent hommage lors du solstice d'été.Image : Angelique Kourounis

Les nouveaux pratiquants d'un culte ancien, celui du dieu Apollon, investissent les temples grecs malgré l'interdiction du gouvernement dont les temples sont la chasse gardée touristique, et la réprobation des gardiens officiels de la foi grecque.

La cérémonie se déroule selon le rite antique.
La cérémonie se déroule selon le rite antique.Image : Angelique Kourounis

"Ouverture de la cérémonie du solstice d’été.

Honneur suprême de la lumière des hommes

Union des Dieux et des mortels.

Jour sacré d’échange lumineux des mondes

Hymne à Apollon."

Célébration à l'antique du solstice d'été

Sur fond de musique ancienne, bercés par la litanie psalmodiée par la grande prêtresse grecque Doreta Pepa, nous assistons au début de la cérémonie. Le vin est mélangé selon un rite ancestral, l'air est chargé d'une capiteuse odeur d'encens qui se consume lentement.

Doreta Pepa, prêtresse de l’association Ellinais est contente : le sacrifice est bon.

Nous sommes dans le temple d’Apollon à une trentaine de kilomètres d’Athènes. Les adorateurs des dieux de l’Olympe viennent de célébrer le solstice d’été selon le rite antique et ce, en toute légalité. Pour la première fois la cérémonie s’est déroulée sans ennuis. La police n’a pas chargé, le site est resté ouvert et personne n’était là pour les insulter.

Or, d’habitude, c’est le cas. Doreta s'explique :"Ce qui nous intéresse aujourd’ hui, c’est que la lumière renaisse et qu'il y ait une relance de l’énergie divine, car on sent qu elle s’est retirée de la terre. Mais on nous fait la guerre. Les popes nous accusent d’être des idolâtres, des satanistes, en province, nos adeptes ont de gros problèmes, surtout depuis que la télévision les a filmés. Ils n’osent plus venir. Beaucoup m’ont appelée pour me dire qu'ils ne viendraient pas".

"Chacun peut venir et voir ce qu'on fait"

L'Eglise orthodoxe, inquiète de la concurrence des religions antiques ?
L'Eglise orthodoxe, inquiète de la concurrence des religions antiques ?Image : Angelique Kourounis

Doreta Pepa a réussi le tour de force de faire reconnaître son association le 26 février 2006 par les tribunaux grecs comme une association religieuse. Elle devrait donc avec les 15 autres prêtres et prêtresse pouvoir marier, faire baptiser les enfants et enterrer les morts selon la tradition antique. Or, dans la pratique, c’est à peine s’ils peuvent allumer de l’encens dans les temples.

Giannis Kontopanis, acteur dans le civil, et prêtre antique, témoigne :"Je me suis marié à Délos, selon nos rites. Quand j’ai voulu faire enregistrer mon mariage à la mairie, on m’a répondu que je devais soit me marier civilement, soit religieusement. Ils ne reconnaissent ni mon mariage ni mes témoins. Je suis marié depuis 1990, mais officiellement, je suis encore célibataire. Je ne comprends pas. Nous ne faisons de mal à personne, nous adorons nos dieux à la lumière sacrée d’Apollon et nous n'allons pas dans des caves pour nous cacher. Chacun peut venir et voir ce que l’on fait. Nous ne faisons pas de prosélytisme."

Prosélytisme. Le mot est lâché. C’est exactement ce que redoute la toute puissante église orthodoxe grecque, qui n'est d'ailleurs toujours pas séparée de l’Etat.

Lieux de culte ou sites touristiques ?

Père Gabriel, prêtre de l'Eglise grecque orthodoxe, ne prend pas l'association de Doreta au sérieux : "Nous, ce qu'on n’aime pas c’est le prosélytisme, et puis nous avons des églises, soit à Mystra, soit à Athènes, ce sont des églises considérées comme des musées. On ne les utilise pas pour y faire des sacrements, ce sont des églises qui appartiennent au patrimoine culturel européen. Ellinais doit respecter cela. S’ils veulent adorer leur dieux, ils ne peuvent pas le faire à Delphis ou à l’Acropole car ce ne sont plus des lieux de culte mais des lieux touristiques".

Même son de cloche au ministère de la Culture, très sensible sur la question. Vivi Basilopoulou, archéologue : "Nous n’avons rien contre personne, mais en l’état actuel de la loi, ces temples sont des monuments et les monuments ne peuvent servir à aucune cérémonie."

Les pratiques d'Ellinais, reconnues en théorie seulement.
Les pratiques d'Ellinais, reconnues en théorie seulement.Image : Angelique Kourounis

Mais pourquoi donc tant de méfiance, tant de haine, presque? Finalement, les dieux de l’Olympe sont enseignés à l’école, ils font partie du patrimoine grec, de la culture grecque.

D'après Sofia Peta, sociologue, c’est justement là le problème : "Ces religions antiques revendiquent le même espace qu’occupe l’église orthodoxe grecque. Aussi bien l’orthodoxie que cette nouvelle religion font partie de l’identité grecque. Chacun veut apparaître comme l’expression même de l’hellénisme et c’est à qui gagnera le plus de terrain. Cest ce qui préoccupe l’Eglise grecque. Quant à l’Etat, il ne veut pas aller jusqu'à l’affrontement avec l’Eglise et il fait le dos rond".

Doreta en est convaincue, et forte de sa légitimité, elle va parcourir le pays pour faire en sorte que les plus petits édifices soient aussi bénis. Et si vous la voyez honorer les dieux dans un temple, n’hésitez pas à lui parler, elle prendra le temps d’expliquer ce qu'elle fait.