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HistoireAfrique

Résistez ! La lutte des Africains de l'Est

La rédaction francophone
16 février 2024

En Afrique de l'Est et dans la région des Grands Lacs, la conquête coloniale allemande a suscité la résistance courageuse de nombreux groupes locaux contre des forces coloniales bien armées et violentes.

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Le colonialisme allemand en Afrique
Image : akg-images/picture alliance

Cet article s'inscrit dans la série "Dans l'ombre de la colonisation allemande" proposée par DW Afrique.

En dix épisodes, un podcast vous accompagne tout au long de l'histoire sombre des colonies allemandes en Afrique, de la fin du XIXè siècle à 1918.

Pourquoi l'Allemagne a-t-elle pris possession de terres en Afrique de l'Est ? 

Au départ, la présence allemande en Afrique de l'Est se limitait à l'accaparement de terres par des colonisateurs privés comme Carl Peters. Lors de la conférence de Berlin en 1885, l'Allemagne a revendiqué sa souveraineté sur des territoires de l'actuelle Tanzanie, du Rwanda et du Burundi. Les traités lui ont donné le droit d'établir, de contrôler et de protéger des routes commerciales.

Dans l'ombre de la colonisation allemande - Podcast. Ep.02

Comment le colonialisme allemand est-il entré dans une telle spirale de violence ?

En 1888, les colonies allemandes de la côte est-africaine ont été attaquées lors du soulèvement de l'Abushiri, ou « soulèvement arabe ». Ce mouvement était le fruit de l'union de différentes communautés de la côte swahilie, liées au chef local Abushiri bin Salim al Harth.

Ces commautés voulaient empêcher l'Allemagne de mettre la main sur les routes commerciales lucratives des caravanes, de l'ivoire et de la traite des esclaves. Comble de l'ironie, l'Allemagne affirmait lutter contre la traite des esclaves pour justifier l'utilisation d'armes et de munitions. En réalité, les armes et les soldats étaient utilisés pour protéger les intérêts allemands.

L'Allemagne avait-elle une présence militaire ?

Au départ, la célèbre troupe Wissmann (annonciatrice de la future Schutztruppe, la force de protection), dirigée par Hermann von Wissmann, sillonnait l'Afrique de l'Est avec des armes modernes et automatiques, comme la nouvelle mitrailleuse Maxim. Ils n'avaient que peu de comptes à rendre et ne constituaient pas une milice allemande officielle. La plupart de leurs membres étant des recrues africaines, les Askaris. Ces hommes, menés par quelques officiers allemands, ont joué un rôle crucial dans les atrocités qui ont caractérisé la domination allemande en Afrique de l'Est. Pendaisons, viols et pillages se sont succédé et, en 1890, toute la côte de l'Afrique de l'Est est passée sous le contrôle des Allemands.

Les traces de la colonisation allemande en Tanzanie I Photo du chef Mkwawa
Le chef WaHehe Mkwawa en TanzanieImage : Carola Frentzen/dpa/picture alliance

Les colons se sont ensuite tournés vers l'intérieur des terres, en direction du lac Tanganyika, où ils se sont heurtés à une forte résistance. La plus célèbre est peut-être celle de Mkwawa, le chef des WaHehe.

Qui était le chef Mkwawa ?

Il était le chef du peuple Hehe, établi dans la région d'Iringa, dans l'actuelle Tanzanie. Mkwawa était un diplomate avisé et un grand tacticien militaire, dont la confrontation avec le commandant colonial allemand Emil Zelewski, qui aurait déclenché selon certains historiens la révolte arabe de 1888, est probablement la plus belle illustration. Zelewski avait pour mission de détruire les Hehe. Pour arriver à ses fins, il mit en œuvre une stratégie de la terre brûlée : incendies de fermes, massacres et destruction du bétail.

Armés de lances et de quelques fusils, les Hehe encerclèrent et tuèrent la plupart des forces de Zelewski, y compris Zelewski lui-même, en 1891. Ce fut une défaite cuisante, qui marqua l'histoire de la colonisation allemande. Mais malgré la guérilla constante des Hehe, leur chef Mkwawa finit par être encerclé. Il décida de mettre fin à ses jours dans la région d'Iringa en 1898. Mkwawa était tellement haï par les colonisateurs allemands, qu'après sa mort, sa tête fut emportée à Berlin.

Monument aux personnes exécutées à Old Moshi
Mangi Meli et d'autres chefs exécutés sous la domination allemande sont régulièrement honorés par leurs descendants près du Kilimandjaro.Image : Konradin Kunze

Qu'est-il arrivé à Mangi Meli ?

Mangi Meli, un souverain chagga des contreforts du Kilimandjaro, fut lui aussi attaqué et contraint de se rendre. Avec d'autres nobles chaggas, il fut pendu en 1900 pour trahison. Les assassinats de ce genre détruisirent le tissu local de dirigeants, sans compter que les autorités coloniales allemandes décapitèrent Mangi Meli et envoyèrent son crâne à Berlin, prétendument à des fins de recherche anthropologique et scientifique sur le racisme. A ce jour, le crâne de Mangi Meli n'a pas été restitué.

Qu'est-ce que la guerre Maji-Maji ?

En 1905, plus de 20 communautés se sont unies sous le commandement de Kinjeketile Ngwale et se sont soulevées pour lutter contre la brutalité de la domination allemande, les impôts et le travail forcé. Kinjeketile est un personnage quelque peu controversé, car il a relayé une prophétie selon laquelle les combattants indigènes devaient consommer une potion bénite composée de millet et d'eau, la Maji Maji,  pour transformer les balles des colonisateurs en eau et les expulser du pays. Cette prophétie a inspiré ce qui est devenu la rébellion des Maji-Maji, bien que certains historiens affirment que la prophétie de Kinjeketile a été prononcée à un moment où les populations locales n'avaient pas d'autre choix que de se rebeller contre la domination allemande.

Racines d'Afrique : Kinjeketile Ngwale

Des missionnaires et colons allemands furent tués lors de premières escarmouches, mais les autorités coloniales finirent par écraser la rébellion. Ils firent exécuter Kinjeketile en 1905.

Malgré la mort de Kinjeketile, la Schutztruppe, ou troupe de protection, continuèrent à sévir en Afrique de l'Est, faisant régner la terreur par la tactique de la terre brûlée et la multiplication des exécutions. Il s'agissait d'une stratégie dûment planifiée.

La révolte dura jusqu'en 1907 et a coûté la vie à plus de 120 000 personnes, voire 300 000 selon certaines estimations. Beaucoup sont mortes de faim et de maladie.