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La « Kinder-Ecole » de Paris

Elsa Elvers-Guyot / Cécile Leclerc9 janvier 2013

C'est l'un des fondements de la relation franco-allemande : l'échange linguistique s'est développé au fil des ans. On trouve même des jardins d'enfants où les petits apprennent les deux langues.

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Image : DW/M. Stegemann

Un, deux, trois – on arrête de parler. Un morceau de musique classique rappelle aux enfants que l'école commence, il est temps de former un cercle. Vite, vite, une maman embrasse une dernière fois sa petite fille et la confie aux éducatrices: « je vous amène une Anouschka colorée, aujourd'hui elle a voulu mettre des vêtements de toutes les couleurs ! Va t'amuser, ça a déjà commencé. » Encore un bisou – et la journée débute avec une chanson en allemand.

La Kinder-Ecole de Paris existe depuis 1974. Des parents français et allemands sont à l'origine du projet, ils se sont regroupés dans une Association des parents d'élèves de jardins d'enfants franco-allemands (AJEFA). Aujourd'hui, on dénombre quatre jardins d'enfants, chacun accueille 25 enfants de deux à six ans.

Changement de langue au quart de tour

Les enfants grandissent dans un univers francophone, le français est donc leur langue de départ. Pourtant, ils changent facilement de langue, explique Elisabeth Feldmeyer, directrice de l'AJEFA. « A partir du moment où les parents jouent aussi le jeu, les enfants passent à l'allemand dans une conversation, sans forcément sans rendre compte ». Chaque groupe est composé de plusieurs adultes qui parlent exclusivement en allemand avec les enfants, alors cela devient un jeu pour les petits de répondre aussi en allemand.

Elisabeth Feldmeyer lit un livre en allemand aux enfants
Elisabeth Feldmeyer lit un livre en allemand aux enfantsImage : DW/M.Stegemann

Les éducatrices sont par ailleurs accompagnées de volontaires germanophones comme Leonie Herzberg. Cette jeune fille de 18 ans vient de Stuttgart. Après son bac, elle a entendu parler via l'Agence pour l'emploi de la possibilité de faire un stage bénévole d'un an à la Kinder-Ecole. « J'ai appris le français, c'était ma première langue. Je suis toujours allée en vacances en France et je rêvais d'habiter Paris. » Pour les formatrices qui vivent depuis plusieurs dizaines d'années en France, ces jeunes arrivés d'Allemagne sont importants: ils apportent de la fraîcheur au jardin d'enfants, puisqu'ils viennent tout droit du quotidien allemand.

Leonie Herzberg est stagiaire à la Kinder-école
Leonie Herzberg est stagiaire à la Kinder-écoleImage : DW/M. Stegemann

« Spa - ghe – ttiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! »

Les enseignants de la Kinder-école préparent les enfants à l'école primaire
Les enseignants de la Kinder-école préparent les enfants à l'école primaireImage : DW/M.Stegemann

Il est tout aussi important de préparer les enfants à aller ensuite dans des écoles françaises. Deux fois par semaine, les 4-6 ans ont cours avec Chloé Darche, 27 ans et institutrice d'école maternelle. Elle connaît bien la Kinder-Ecole, et pour cause : elle-même y est allée étant petite. Elle embrasse les enfants un par un : « Comment ça va, qu'est-ce que tu me racontes? »

Parler français ne pose aucun problème pour les petits. Mais Chloé Darche commence avec eux l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, comme par exemple la séparation des syllabes. Combien de syllabes a le mot « spaghetti » ? Et dans quelle syllabe trouve-t-on le « i »? Les enfants tapent des mains à chacune des syllabes et répètent : « spa - ghe – ttiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! ».

Mini-Ecole : « la bouche, Mund, oh oui, c'est ça! »

Changement de lieu. Car l'AJEFA n'a pas mis en place que la Kinder-Ecole, elle a aussi créé une Mini-Ecole pour accueillir les anciens des jardins d'enfants qui vont déjà à l'école primaire. Il n'y pas classe le mercredi, alors les enfants vont à la Mini-Ecole pour maintenir leurs connaissances de la langue allemande et continuer à progresser.

« Une langue, c'est comme une gymnastique. Plus on parle, plus on s'exerce, plus on progresse ! »explique la formatrice Ursula Gallus-Menier. Et la gymnastique du jour consiste à … faire sa valise ! En allemand bien sûr. « Nous allons mettre dans notre valise différentes parties du corps. Chacun d'entre vous va nous dire quelle partie du corps il prend. Qui veut commencer? Eli, à toi ! » - « Ich packe in meinen Koffer meine Augen rein. » (je mets mes yeux dans ma valise). Le suivant répète ce qu'Eli a mis dans sa valise et amène à son tour une autre partie du corps. Et ainsi de suite. A la fin, les élèves font un exercice : sur une feuille de papier, ils doivent retrouver quel dessin appartient au mot qui désigne telle partie du corps. Un exercice encore difficile pour les enfants : « Arm (le bras), c'est ça non? » - « Nein, das ist kein Arm. » (Non, le bras, ce n'est pas ça) - « Arm, c'est quoi? Ah oui, ça c'est: Arm. » - « Genau, das ist der Arm » (bravo, c'est ça le bras) - « Mais ça c'est: die Augen (les yeux). Mund (la bouche)- oh oui! Mund, c'est ça! »

Quelques enfants bilingues de la Kinder-école
Quelques enfants bilingues de la Kinder-écoleImage : DW/M. Stegemann

« Parce que je veux comprendre ce que tu dis »

Deux tiers des enfants de l'école vivent dans des familles franco-allemandes. Et un tiers dans des familles françaises. Ils sont toujours plus nombreux à provenir de familles françaises qui ont vécu en Allemagne. Lors du retour en France, les parents souhaitent que leurs enfants continuent de pratiquer l'allemand. « Un enfant de cet âge apprend très, très vite une autre langue. Mais, si, d'un coup, il ne l'entend plus et ne la pratique plus, alors il l'oublie tout aussi vite qu'il l'avait apprise » explique Elisabeth Feldmeyer, directrice de l'AJEFA, qui justifie ainsi l'intérêt des parents pour la Kinder-Ecole.

Apprendre les parties du corps dans les deux langues, pas facile
Apprendre les parties du corps dans les deux langues, pas facileImage : DW/M.Stegemann

L'AJEFA est la seule structure à proposer des jardins d'enfants à Paris. Il faut attendre deux ans avant d'avoir une place disponible. Car la demande est grande. La formatrice Ursula Gallus-Menier n' est pas étonnée : « L'enfance est la seule période de la vie pendant laquelle on peut apprendre aussi facilement une langue étrangère. C'est un jeu pour les enfants. » Un jeu qui a aussi un coût. La cotisation des parents est calculée selon leurs revenus. Une place au jardin d'enfants coûte entre 50 et 850 euros par mois. Mais les parents sont convaincus qu'il s'agit d'un bon investissement pour le futur. A la Kinder-Ecole, leurs enfants acquièrent une langue mais apprennent aussi les bonnes manières, du moins à l'heure du repas de midi. Tous reprennent en chœur une comptine allemande : « Ich bin ich, und Du bist Du, wenn ich rede, hörst Du zu, wenn Du redest, bin ich still, weil ich Dich verstehen will! Guten Appetit! »(Je suis moi, tu es toi, lorsque je parle, tu écoutes, lorsque tu parles, je t'écoute, parce que je veux comprendre ce que tu dis. Bon appétit!)