Egypte: une "justice de vengeance"?

Mohamed Morsi est accusé d'être impliqué dans une évasion collective d'une prison du Caire durant le soulèvement de 2011. Cette condamnation a suscité de vives critiques venues de divers horizons aussi bien de la part des Frères musulmans que du Hamas ou de la Turquie, d'Amnesty international, de l'Allemagne ou encore de l'Union européenne.

'"La justice égyptienne, une justice de vengeance qui, en condamnant à mort l'ancien président élu Mohmammed Morsi, se surpasse elle-même", s'indigne la taz, die tageszeitung de Berlin. "Ce verdict vient s'ajouter à toute une grosse série d'autres condamnations à mort. Avec Morsi,plus d'une centaine d'autres partisans des Frères musulmans ont été condamnés à mort par pendaison, mais aussi des membres du Hamas palestinien et de l'Hezbollah libanais… Cela n'a rien à voir avec un procès digne d'un Etat de droit ; certains membres du Hamas qui ont été condamnés par contumace, sont déjà morts, parfois décédés même avant les faits qu'on leur reproche ! Voilà donc que des tribunaux égyptiens condamnent à mort des morts! Inutile d'ajouter quoi que ce soit sur les méthodes de travail du procureur et du tribunal pour avoir une opinion sur le professionnalisme des procédures ! souligne la taz qui ajoute: "Ironie de l'Histoire : les condamnations doivent encore recueillir l'avis, non contraignant, du mufti d'Egypte avant d'être confirmées ou infirmées le 2 juin. Or, c'est justement ce mufti qui a été nommé à l'époque par le président Morsi lui-même ! Cela fait penser à un drame shakespearien, conclut l'éditorialiste, toutefois ce n'est malheureusement pas de la fiction, mais la tragique réalité !"'

Une condamnation embarrassante pour le gouvernement allemand

Début juin, Berlin doit recevoir la visite du président égyptien, l'ex-chef de l'armée qui avait destitué Morsi avant de se faire élire plus tard à la présidence. Si la condamnation à mort de Morsi est confirmée, cela risque en effet de jeter une ombre sur la rencontre d'Angela Merkel à Berlin avec le président Abdel Fattah al Sissi, relève la FAZ, la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le chef de la diplomatie allemande Frank Walter Steinmeier avait d'ores et déjà exprimé samedi son espoir que "la justice égyptienne respecte le droit et la loi et ne travaille pas selon des critères politiques ". La FAZ rappelle que depuis le putsch d'Abdel Fattah al-Sissi, -alors chef de l'armée- contre le président Morsi en juillet 2013, les sociaux démocrates Frank Walter Steinmeier et le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel ont été les premiers ministres allemands à se rendre en visite officielle en Egypte ce printemps. Outre les intérêts économiques, - la firme allemande Siemens a passé des contrats de plusieurs milliards d'euros pour la construction de centrales énergétiques - des intérêts politiques ont aussi joué un rôle lors de ce rapprochement, analyse l'éditorialiste : à savoir la crainte qu'à côté des conflits en Lybie, en Syrie, en Irak et au Yémen, un autre état arabe, aussi important que l'Egypte, soit à son tour totalement déstabilisé…"