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Belgique : Les ascenseurs à bateaux

Clarisse Sérignat (Octobre 2007)

En Wallonie, dans la province du Hainaut, quatre ascenseurs à bateaux sont classés au patrimoine mondial de l'Unesco. L'ascenseur funiculaire de Strépy-Thieu est aujourd'hui le plus grand ascenseur à bateaux du monde...

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L'ascenseur de Strépy-Thieu a remplacé l'édifice historique de Bracquegnies
L'ascenseur de Strépy-Thieu a remplacé l'édifice historique de BracquegniesImage : Jean-Michel Bos

Terra Incognita nous emmène cette semaine en Belgique.
En Wallonie, dans la province du Hainaut, le transport fluvial a connu son apogée pendant la révolution industrielle du XIX siècle. Aujourd'hui les canaux comme les écluses ou les ascenseurs à bateaux représentent un patrimoine technique exceptionnel.

Les Belges sont d’ailleurs fiers d’afficher leur savoir faire en la matière. A Bracquegnies et à Strépy-Thieu figurent, dans un rayon de moins 10 kilomètres, visite de ces ouvrages hydrauliques d’exception.

Un projet ambitieux

Bracquegnies : un système à la fois écologique et silencieux.
Bracquegnies : un système à la fois écologique et silencieux.Image : Jean-Michel Bos

Nous sommes ici en Wallonie. A la fin du XIX siècle, l’industrie wallonne est en chiffres absolus la deuxième du monde. Les mines, la sidérurgie, les charbonnages, toutes ces activités font la fierté de la région. Pour transporter les minerais et autres matières premières, les Belges ont très vite privilégié les voies d’eau.

C'est ainsi qu’en 1882 débute, dans la province du Hainaut, la construction du canal du centre. Un canal de 20 kilomètres dont le but était de relier les différents bassins charbonniers au nord du pays et à la France.

Inspiration anglaise

Cependant une forte dénivellation de terrain oblige les ingénieurs belges de l'époque à se tourner vers de nouvelles technologies. Ils se rendent en Angleterre et reviennent avec l’idée de construire quatre ascenseurs à bateaux sur le canal.

Meo Rizieri est guide sur le canal historique : "Nos ingénieurs se rendent sur place et découvrent l’ascenseur britannique. Ils trouvent ça tout à fait génial ! Et c'est ainsi qu’on décide de construire par transfert de technologie, ici sur le canal historique, 4 ascenseurs de type anglais. L’ascenseur n°1 de La Louvière qui se trouve en amont sera très vite terminé puisque inauguré 4 juin 1888 par le Roi Léopold 2. Les 3 autres ascenseurs ont été construits entre cette période (ndlr : 1888) et 1917. C'est d’ailleurs en 1917, sous occupation allemande, que pour la première fois une péniche traverse le canal du Centre."

Pollution et nuisances sonores nulles

C'est aussi à partir de là que ce canal devient un haut lieu de passage pour les péniches. Devant nous, l’ascenseur n°3 est une grande structure métallique qui rappelle la tour Eiffel. Meo Rizieri explique :"Tout ce que vous pouvez voir est complètement d’époque. Toutes les structures métalliques et vous voyez sont rivetées, tout cela est d’époque. Idem au niveau du fonctionnement. On aurait pu être tenté au fur et à mesure des années de passer à l’électricité, on ne l’a pas fait. On aurait pu passer à un système de compresseur électrique, on ne l’a pas fait."

Et comme à leur origine, ces ascenseurs fonctionnent encore à l’eau. Basé sur le principe des vases communicants, les bateaux sont transportés verticalement dans deux bacs remplis d’eau : "Vous avez deux bacs en mouvement sur une hauteur de 17 mètres et cela sans aucune dépense énergétique, sans pollution forcément et puis ce qui est très impressionnant : sans bruit, mis à part, comme on l’entend maintenant, l’écoulement d’eau."

Classés au patrimoine mondial de l'UNESCO

En tout, huit ascenseurs de ce type ont été construits dans le monde. Mais seuls ces quatre sont restés intacts. C'est pourquoi en 1998, l’ensemble du canal et ces quatre ascenseurs ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Direction maintenant la salle des machines en compagnie de notre guide…

"Cette salle de machine a déjà été conçue à l’époque pour accueillir des touristes. Dès le départ… évidemment, à l’époque c'était quand même un ouvrage d’art conséquent. Il faut se remettre dans le contexte, les bateliers avaient l’habitude de franchir des écluses de 3 à 5 mètres, quand ils ont vu un ascenseur de 17 mètres en une fois, c’était impressionnant. On a du mal quand on observe la coupole de la turbine, vous voyez : Société Cockerill Serain et vous avez une date : 1913. On a un peu de mal à se rendre compte que ça date de 1913 et bien oui ça date de 1913", explique Meo Rizieri.

Mais aujourd'hui ces ascenseurs ne sont plus adaptés pour les gabarits actuels des péniches. Seuls les bateaux de plaisance peuvent encore les franchir.

L'ascenseur funiculaire de Strépy-Thieu

Nous nous rendons maintenant à quelques kilomètres de là où un nouveau canal a été creusé. Un nouvel ascenseur aussi a été construit. Inauguré en 2002, à lui seul, cet ascenseur funiculaire de Strépy-Thieu remplace les quatre ascenseurs historiques.

Vincent Despiegeleer, ingénieur industriel, en explique les particularités : "Juste devant nous, nous avons un ascenseur à bateau. C'est un bâtiment très haut qui fait plus d’une centaine de mètres de haut et un bâtiment également très grand étant donné le tonnage des bateaux qui doivent être transportés dans cet ascenseur. Il est unique au monde. Il est unique au monde étant donné sa dimension et le dénivelé qu’il doit reprendre entre le niveau amont et le niveau aval. Une différence de niveau qui est de 73,15 mètres."

Une structure qui s’impose donc dans le paysage. Question fréquentation: ce sont près de vingt péniches qui franchissent cet ascenseur par jour. La durée de translation verticale est de sept minutes. Nous retrouvons Albert Rochez dans sa péniche. Le batelier s’apprête à franchir l’ascenseur : "Ici je passe 6 fois par mois. Ici il faut 7 minutes pour descendre donc vous savez on gagne du temps. Mais ce n’est plus la même navigation… Il ne peut pas avoir de secousse ici parce qu’il y a quand même le poids. On est quand même pendu sur des câbles. Il faut dire que c'est moderne…c'est unique, c'est unique en Europe."

Rôle de précurseur pour l'ascenseur de Strépy

Un carrefour fluvial modèle en Europe.
Un carrefour fluvial modèle en Europe.Image : Jean-Michel Bos

Ici toutes les pièces ont été fabriquées spécialement pour cet ascenseur qui fonctionne à l’électricité et qui monte et descend sur le même principe qu’un ascenseur pour les personnes. Une prouesse technique qui attire souvent les curieux.

Vincent Despiegeleer, ingénieur industriel à Strépy- Thieu, en est fier : "Nous avons beaucoup de visites à l’ascenseur de Strépy- Thieu. Des gens qui viennent de pays très lointains comme la Chine. Nos collègues des voies navigables de France viennent aussi prendre le savoir et un peu apprendre le fonctionnement de l’ascenseur de Strépy. Je pense que c'est un exemple à travers le monde qui permettra, je l’espère, à d’autres pays à développer des technologies si imposantes que celles-ci."

Un carrefour fluvial européen

Incontournables, ces ascenseurs sont les témoins du savoir-faire belge en la matière. Aujourd'hui ce nouveau canal a transformé les voies navigables wallonnes en carrefour du réseau européen entre la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.

A l’heure où le transport fluvial représente une alternative face aux enjeux environnementaux. La Belgique se targue aujourd'hui d’avoir 1500 kilomètres de voies navigables sur son petit territoire.